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RÉSEAU sur la Borréliose de Lyme en France, ses Co-Infections et les Maladies vectorielles à Tiques Construction collaborative d'une information critique contre le déni

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La re-naissance d'une bactérie (part. III fin)

...ou comment la borréliose est devenue étrangement la « maladie de Lyme »
Dans une première partie de cette « saga », nous avons essayé de retracer l’itinéraire scientifique de la Borrelia dans les pays européens à partir de la fin du 19e siècle. Dans la seconde partie, nous avons suivi le cours de la re-découverte de la bactérie aux USA.
Cette dernière partie retrace l’histoire de la validation de la découverte par les critères biologiques qui établissent les liens entre microbe et maladie.

Une nouvelle maladie est née

Preuves et postulats

◊ Les postulats de Koch

Wikimedia_Robert_Koch.jpgPour valider la découverte d’une bactérie ou autre micro-organisme, il existe des critères destinés à établir la relation de cause à effet liant un microbe à une maladie. En bactériologie : ce sont les postulats de Koch ou de Henle-Koch.
Formulés par Robert Koch[1] et son collaborateur Friedrich Loeffler en 1884, sur la base des travaux de Jakob Henlé, puis redéfinis et publiés par Koch en 1890, ils représentent les trois postulats originaux (plus tard 4).
Depuis les années 80, les postulats connaissent une adaptation fondée sur les techniques moléculaires.

◊ Burgdorfer valide les postulats de Koch

Nous sommes au début des années 80 lorsque le Dr Burgdorfer fait sa re-découverte du spirochète de la borréliose. Immédiatement il se remet au travail afin de valider ces postulats qui ne sont encore qu’au nombre de 3.

  • L’agent responsable doit être présent en abondance dans tous les organismes souffrant de la maladie[2].

Le Dr Edgar Grunwaldt, un médecin qui traitait depuis des années des patients atteints de cette mystérieuse maladie de Lyme par pénicilline, possédait une centaine de sérums de ces mêmes patients. Il les proposa donc à Willy Burgdorfer. Et effectivement, les sérums comportaient des anticorps pour cette bactérie. Condition du premier postulat remplie.

  • Le micro-organisme doit pouvoir être isolé de l’organisme malade et être cultivé in vitro.

Toutes les suppositions du Dr Burgdorfer auraient certainement abouti à une impasse s’il n’avait pas eu les moyens de cultiver les spirochètes dans son laboratoire et de réaliser les expérimentations. Il demanda donc à ses collègues d’isoler des spirochètes à partir des intestins de tiques et de les cultiver dans un soluté.
A ce stade, il faut savoir que les spirochètes sont parfaitement capables de s’adapter à leur hôte vivant, mais qu’il est très difficile de prouver leur présence en dehors de leur hôte. Par conséquent, il devient d’autant plus incertain de les faire proliférer dans une boîte de Pétri.
Les collègues de Burgdorfer, Babour et Stoenner, avaient auparavant réussi à cultiver in vitro des souches de Borrelia hermsii et n’en étaient donc point à leurs débuts. Ils réussirent également à cultiver le spirochète dans un milieu optimisé. Ce qui remplit la condition du second postulat.

  • Son inoculation chez l’hôte ou dans un modèle s’y rapprochant doit induire le développement de la pathologie.

Ce postulat se doit d’être plus nuancé, suite à la découverte par Koch lui-même, dans le cas d’organismes exposés à l’infection mais ne développant pas la maladie.
Toujours dans son laboratoire, le chercheur plaça des tiques infectées sur le ventre de lapins sains. Tous les lapins développèrent un érythème migrant persistant; certains au plus tard dans la 12ème semaine. Les résultats sérologiques démontrent tous la présence d’anticorps à la bactérie.
Ce résultat sera publié en 1982 dans Science-Journal par Burgdorfer et ses collègues.
Condition du troisième postulat remplie.

◊ Le 4e critère

Depuis l’époque de Koch et Löffler, s’est ajouté un quatrième postulat.

  • Le micro-organisme doit être à nouveau isolé du nouvel organisme hôte rendu malade, puis identifié comme étant identique à l’agent infectieux original.

C’est cette démarche qu’entreprendra le Dr Bernard Berger, dermatologue, qui en publiera les résultats en 1984[3], où il décrit en premier lieu l’auscultation de 51 patients atteints d’un EM (Erythème migrant), puis la démarche des prélèvements de 49 biopsies cutanées sur 30 d’entre eux, et enfin, la preuve de la présence du spirochète à l’aide du kit de coloration argentique de Warthin-Starry.
Il revient également, à grand peine, à l’équipe du Dr Steere d’avoir isolé le spirochète dans le sang et d’autres liquides.
Le dernier postulat est vérifié et la cause spirochétale de la borréliose de Lyme prouvée.

La « maladie de Lyme » devient universelle

◊ Premier symposium et l’argent de la recherche

Nous sommes donc en 1983, et à Yale se tient le premier symposium sur la «borréliose de Lyme». Dans un premier temps la bactérie fut désignée par le code "B-31", puis un vote qui lui attribua Burgdorfer comme nom. À noter qu’Allen C. Steere avait été également nominé!
En 1984, le microbiologiste Russell Johnson donna un coup de pouce supplémentaire en découvrant son génome ce qui propulsa définitivement cette bactérie comme: «assurément un tout nouveau spirochète.»’
La re-découverte de Willy Burdorfer ainsi que son formidable travail fut qualifié de «chance»… et de «pure coïncidence», mais laissée de côté.
Le marathon pour l’obtention des fonds de recherches débuta alors. Comme toujours ce sont ceux qui courent le plus vite qui arrivent en premier et ce fut le cas pour les rhumatologues de Yale. Dans un premier temps le congrès américain leur accorda de 1990 à 1993, grâce à l’administration centrale de la Santé, 1 million de dollars par an. Le volume financier pour la recherche prit de l’ampleur avec les mannes du NIH ’’(National Instituts of Health).
Avec le temps, les animosités et les ressentiments commencèrent à se mettre en place dans la grande communauté scientifique internationale.

◊ Polly et Judith, ces malades lanceurs d’alertes

Mais le grand mérite revient sans aucun doute aux deux valeureuses mères de famille Polly Murray et Judith Mensch qui des années durant ont porté non seulement leur propre maladie et celle de leurs enfants, mais ont mené sur le long terme, avec beaucoup de courage, un travail d’enquête digne de détectives et ont su forcer la porte de médecins spécialistes.
Un cas unique dans l’histoire de la médecine moderne !
En 1985, se tient à Vienne le second symposium sur la borréliose. Afin d’en unifier le concept, on conviendra du nom générique de «Lyme Disease» (maladie de Lyme).

Nota : la majeure partie des renseignements de cet article proviennent du livre de Birgit Jürschik-Busbach : Die verschwiegene Epidemie avec son aimable accord ainsi que des archives de l’association allemande des malades de borréliose: la BFBD

Notes

[1] Wikimedia_Mycobacterium_tuberculosis.jpgRobert KOCH est né en 1843 à Clausthal, décédé en 1910 à Baden-Baden. Fils d’un ingénieur minier, il étonna ses parents à l’âge de 5 ans en leur déclarant qu’il savait lire à l’aide des journaux, un exploit qui préfigure l’intelligence et la persévérance méthodique dont il fit preuve toute sa vie. En 1862, il étudiera la médecine à l’université de Göttigen, où il fur subjugué par son professeur Jacob Henlé qui avait publié en 1840 une étude sur les organismes « parasitaires » des maladies infectieuses. Grand voyageur, il s’installe en 1966 à Berlin, 1867 à Hambourg, 1869 à Rackwitz, province de Posen. En 1870, il se présente volontaire dans la guerre franco prussienne, devient médecin chef de district de Wollstein. Là, il effectuera des recherches qui le placeront dans le premier rang des meilleurs scientifiques (bacille de l’antrax et également de la tuberculose). En 1880, il travaille à Berlin, en tant que membre du « Bureau Impérial de Santé « avec des collaborateurs comme Loeffler, Gaffky et bien d’autres. C’est là qu’il affine les méthodes bactériologiques qu’il avait mis au point à Wollstein. Là, est née une nouvelle méthode de culture : la »Reinkultur » (culture pure de bactéries sur des supports solides tels pommes de terre et sur gélose conservées dans un »plat » inventé par son collègue Pétri : la boite de Pétri. C’est là également, qu’il fixa les conditions connues sous le nom de « postulats de Koch » qui seront approuvées en 1893.. Environ 2 ans après son arrivée à Berlin, il découvre la bacille de la tuberculose, portant aujourd’hui son nom. En 1883, envoyé en Egypte, il y découvre le « vibrion », provoquant le choléra. En 1891, il est nommé professeur honoraire de la faculté de médecine de Berlin et directeur du tout nouvel Institut des maladies infectieuses qui pluq tard deviendra le « RKI » Robert Koch Institut

[2] Extraits tirés de la biographie ++The Nobel Fondation 1905++.

[3] Publié dans Berger, Bernard W.MD : Erythema Chronicum Migrans of Lyme Disease

ELS (rédacteur invité)

Rédacteur: ELS (rédacteur invité)

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