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Complainte d'un soignant

« Promouvoir et préserver la vie »

Perpignan, Entonnoir, 2011, Marc André 2 FiguèresExiste-t-il plus noble mission ? Une mission qui n’incombe pas qu’aux seuls professionnels de santé et qui dépasse largement notre condition de simples mortels.

Aujourd’hui où notre espérance de vie semble (illusion liée pour l’essentiel à la réduction de la mortalité infantile) avoir atteint des records, où en sommes-nous avec cette notion fondamentale qu’est la vie ? Dans un monde où des états de non-droit s’installent dans un paysage de plus en plus désolé, laissant apparaître de plus en plus de déserts.

La sécheresse ne touche pas que la terre mais également le cœur des hommes qui ne voient en elle que des défis à relever pour toujours plus de profits. Le capitalisme semble en être le moyen d’exploitation le plus impressionnant, donnant le droit à un pillage, une mise à sac, et tout cela dans la plus grande licité. Que devient le vivant dans un système de productivité et de rentabilité financière ?
La rentabilité financière tient compte d’intérêts matériels d’un nombre réduit d’individus et ne peut se faire qu’au détriment de la rentabilité biologique du plus grand nombre. Autrement dit, elle ne peut se faire qu’en négligeant et détruisant la vie elle-même.

L’infirmier accompagne le patient tout au long de son hospitalisation ou de ses soins pour lui permettre de maintenir le plus haut niveau d’autonomie possible, mais aussi d’intimité et de dignité.
De manière plus générale, le soignant partage une éthique, ainsi qu’une conception commune de l’être humain, des soins, de la maladie... C’est une profession tout particulièrement axée sur la communication.
La rencontre entre deux personnes représente un lieu mais aussi un temps de mise en relation. Quand il s’agit du couple soigné-soignant, cette relation s’établit et évolue sous la forme d’un contrat appelé : «  contrat de soins ». Les rôles sont définis et reconnus; la confiance, née de la bienveillance de l’équipe soignante, aide ainsi le soigné dans sa tentative d’une mise en mots de son mal-être. Le "mal à être" peut s’entendre quelquefois comme une difficulté à se proposer une existence décente dans une société donnée. La prise en charge d’un sujet dit « malade », ne peut se faire sans tenir compte de la complexité des inter-actions entre lui et son environnement familial, social, écologique. C’est pourquoi chaque soignant doit se sentir en lien avec tous les intervenants. Un soignant isolé ne peut que subir et se sentir de moins en moins efficace dans son action, pour autant qu’il ait le sentiment d’en mener encore une.
Chacun doit pouvoir se reconnaître et être reconnu dans une action commune menée au sein d’une équipe soignante pluridisciplinaire. Autrement dit, chacun est en droit d’attendre de l’équipe un lieu d’échange où il puisse se dire et être entendu.

En soignant l’autre, nous nous soignons nous mêmes ( la maladie de l’autre devenant notre maladie possible). Nous soignons notre déséquilibre provoqué par la maladie de l’autre. Nous rétablissons ainsi un équilibre en nous, sous des termes de « solidarité, justice, devoir, altruisme, bonté... (P.Daco)

En ne nous permettant plus de remplir correctement notre mission, les dirigeants (médecins, administratifs, politiques), se laissant eux-même diriger (par quoi ? pour qui ?), génèrent indirectement de l’angoisse et de la souffrance. Ces angoisses s’enkystent chez les soignants et finissent par paralyser l’équipe. Mais bien évidemment ceci ne peut être entendu et encore moins reconnu, du moins pour le moment.

…/. que penser de certains chefs qui lancent des hommes sur un obstacle insurmontable, les vouant ainsi à une mort presque certaine et qui semblent jouer avec eux, comme on joue aux échecs, avec comme enjeu de la patrie, s’ils gagnent, un galon de plus…. (extrait de la lettre d’un poilu adressée à sa mère, le 22 février 1915)

Nous ne sommes plus dupes de ces faux-discours servants d’alibis et n’ayant d’autre but que de gagner du temps en mettant en avant des faux problèmes. Ce ne sont là qu’atermoiements et rien de plus.
Nous ne pouvons que nous consterner des conditions qui nous sont de plus en plus imposées (et non proposées) par un système administratif qui nous apparaît autant sclérosé que sclérosant. Quand il nous est répondu qu’il faut faire avec, nous devrions répondre : ce qui nous est demandé c’est surtout, et de plus en plus, de faire sans.
Dénonçons un tel système ou l’individu, devenu quantité négligeable, n’est plus qu’une fonction dénaturée, un simple matricule. Un individu-ressources humaines, une fonction qu’il faut caser dans un planning et ou l’individu-sujet n’a plus droit de cité.
Nul ne devrait à avoir à supporter plus qu’il ne peut.
Il ne faut pas s’étonner aujourd’hui de l’augmentation de l’absentéisme, des demandes de mise en disponibilité et des démissions des soignants. Il semble tout aussi difficile de les recruter.

Nos missions, au travers de nos différents métiers, sont de moins en moins reconnues pour permettre à certains de justifier de la nécessité de leurs postes qui répriment plus qu’ils ne favorisent les échanges. Postes servant le plus souvent de tremplin à certains, plus soucieux de leur propre carrière, ou confort, que de participer. Mais malheureusement il n’y a pas que les arrivistes qui sont pris dans cet individualisme. Il y a tous ces hommes et femmes qui s’oublient et finissent par se perdre en niant leur propre humanité. La pensée mécanique, dirigée par des propagandes agissant sur nos peurs, nous éloigne de notre relation à nous-mêmes et aux autres. C’est à chacun, en refusant de n’être qu’un exécutant dans un système de plus en plus déshumanisant, d’en devenir le témoin en même temps que le soignant.
Pour imaginer un autre possible il faudrait pouvoir dénoncer ce que nous ne voulons plus. Qu’est-ce qui nous en empêche ? Quelles sont nos véritables peurs ? On ne fait rien pour la santé si l’on ne fait rien contre ce qui la dégrade. Nous ne devons pas avoir peur de la vérité mais du mensonge.

Comment pouvons-nous encore exercer nos métiers, dans les conditions qui nous sont imposées ?
Comment pouvons-nous encore répondre aux demandes de la population en matière de santé ?
Comment pouvons-nous prendre encore soin de l’autre (être à son écoute) quand notre fonction de soignant n’est plus prise en considération ?
Comment prendre en charge cette souffrance de l’autre quand, nous-mêmes, sommes en souffrance ?

Nous sommes des fonctionnaires qui ne fonctionnons plus et cela génère du "mal à être" à tous les niveaux et à tous les étages.

Le soin, dans sa généralité, ne revient pas de droit aux seuls professionnels de la santé. Le soin appartient et engage chacun, dans et par sa relation à lui-même, à l’autre, à la société, à son environnement. Chacun a besoin de se sentir efficace dans son travail, en lui donnant sens dans l’ensemble que représente le collectif, la société, l’universel.
Nous demandons à participer plus activement au rétablissement de notre système de santé. N’oublions pas qu’en y exerçant nous participons à son histoire.
Ce sont huit heures, et parfois plus, que nous donnons chaque jour en travaillant. De la qualité de vie de ces heures dépendent notre propre santé et celle de nos familles. De bonnes conditions de travail sont avant tout affaire de bonnes relations entre tous, dans l’équipe et au delà.

La folie n’est pas une liberté de délirer, mais une sensation d’angoisse à communiquer ses propres besoins. (Agostino Pirello)

Notre condition humaine nous amène à concevoir la souffrance comme étant une tentative à se raconter : concevoir cet art du souffrir est essentiel dans notre prétention à soigner. Sous couvert de progrès scientifique, est donné l’illusion du "ne plus souffrir", "ne plus vieillir" et même "ne plus mourir". Au travers de tous ses paramètres, quantifiables et mesurables, représentés par des actes de plus en plus nombreux, invasifs (dans tous les domaines), coûteux, est oublié l’essentiel : être en relation par la communication (présence physique, effective), avec une personne qui n’est pas qu’un objet de recherche.

La personne humaine est bien plus et ne peut être réduite à - et enfermée dans - l’énoncé d’un diagnostic. Aujourd’hui, la Dr Rueff, Choisir la viepromesse du progrès, en s’exerçant plein champ, gangrène et réduit, de plus en plus, la dimension du soin relationnel et de sa valeur. Dans un système normatif et de l’évaluation du mesurable que faire du soin relationnel sinon le réduire, le réduire, le réduire…. jusqu’à sa plus simple expression !!!
Chacun se retrouve pressé, bousculé par une redéfinition de sa mission, par le biais de nouvelles pratiques, qui le conduit à ne plus donner sens à ce qui lui est finalement dicté, imposé. Le soin qu’il parvient encore à proposer n’est plus que moignon. Le soignant court le risque de se retrouver isolé, en se vivant non entendu, non reconnu, dans une équipe fantôme qui lui donne de moins en moins de repères. L’équipe n’est plus qu’un dispositif perdant compétence à répondre aux besoins légitimes de chacun des membres.
L’effet le plus délétère se traduit par un sentiment d’impuissance et d’inutilité. L’aliénation guette alors le soignant lui-même qui se sent, un peu plus chaque jour, comme un étranger dans un monde devenu incompréhensible. La folie ? Mais qui est fou, le monde extérieur ou l’individu devenu au final quantité négligeable ? La notion d’individu n’est plus ici que le mythe d’un mode de pensée à dépasser.

L’indépendance du soignant est nécessaire. L’acte que représente la communication relationnelle ne peut être remis en cause par les exigences d’une politique administrative peu soucieuse du contenu de ce soin et de ses représentations. Le rendement maximal en un minimum de temps ne s’applique en rien quand il s’agit de « soigner ». Il est un non-sens, une menace. On ne peut standardiser le soin avec des protocoles inadaptés, et pourtant plus nombreux, sans le réduire au point de le rendre impossible.
Le soignant en a assez de devoir, en permanence, se justifier, rendre des comptes… Il se sent « fliqué » au travers de techniques informatiques ( bonjour Mr Crossway). Le coût de ce dispositif  est le sacrifice de son temps de présence auprès des malades et cela pour quoi ? Certainement pas pour le mieux-être du patient et par conséquence du sien.

La non-assistance à exercer nos métiers, ressemble de plus en plus à de la:
«  non-assistance à personnel en danger ».
A qui profite le crime ???

Je suis un infirmier devenant moins soucieux de sa fonction (humanité oblige) que de ce que j’ai à lui donner mais aussi à en recevoir. Devenir un autre en adoptant de nouveaux critères ? Me perdre, en oubliant d’où je viens, ce que je porte en moi, cet héritage dont je me retrouve aujourd’hui en charge?
Me défendre, me préserver : c’est entrer en résistance face à un système de santé dans lequel je ne me reconnais plus.
Les règles devraient aider chacun à correspondre au mieux à ce qu’il est dans sa nature profonde et non le subvertir pour mieux servir une idéologie basée sur l’individualisme et la recherche du profit permanent.

YD (rédacteur invité)

Rédacteur: YD (rédacteur invité)

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