RÉDACTION rblf

Faire éclater au grand jour le déni de la ML c’est l’objectif de deux lanceurs d’alerte, Chantal Perrin la réalisatrice qui nous a déjà donné le film « Quand les tiques attaquent ! » internationalement reconnu, et Roger Lenglet, philosophe qui travaille depuis des années sur le thème de la corruption.^[1]

En conjuguant leurs recherches, ces deux auteurs nous invitent à une lecture enlevée grâce à un livre concis mais très complet. On se régale à découvrir au fil des pages une enquête de longue haleine, racontée tambour battant avec clarté (et parfois même humour); un style de très bonne tenue pour une lecture très accessible malgré le sujet parfois complexe. Les malades ne pouvaient guère espérer un projecteur plus puissant pour mettre en évidence la mafia médico-scientifico-économico-politique qui organise et pilote le déni depuis des décennies à partir des Etats-Unis avec les relais européens.

"Comment est-il possible que l’opinion de 2% de la communauté médicale aux USA, domine les croyances et les pratiques de la majorité des médecins praticiens ?"Dr J.J. Burrascano

Premier ouvrage du genre sur la maladie de Lyme dans notre pays, il prend appui sur une pelote de fils bien emmêlés au niveau international.
Le lecteur part ainsi à la découverte d’un scandale de santé publique invraisemblable pesant sur le dos de milliers, centaines de milliers et millions de malades, scandale d’autant plus obscur à saisir pour le spectateur ignorant que l’affaire Lyme mélange tous les domaines. C’est le talent et la force de nos auteurs de parvenir à mettre en relation un maillage d’éléments épars, de reconstituer un « puzzle infernal » comme ils le nomment.
En effet, l’investigation tous azimuts est à la hauteur du sujet et du drame complexe de société qui se joue sous nos yeux. La dénonciation sans concession, preuves à l’appui, des carences et faux-fuyants des grands responsables du déni partout dans le monde et en France, en constitue un des aspects majeurs. La rigueur du questionnement, et la précision des charges et des arguments, forgent l’armure qui la rend inattaquable.

On notera le très bon choix d’une introduction d’enquête par des cas emblématiques de malades, ce qui met le lecteur directement face à la réalité du désastre sanitaire. Et pour ceux qui ne savent pas grand chose de la pathologie, le chapitre consacré aux tiques, aux borrelia et aux co-infections, porté par des références parlantes, éclairera vite leur compréhension.
La question de l’argent en jeu, des conflits d’intérêts, est un point central à partir duquel on lira la question du fameux Consensus bloquant les traitements, les combats des associations médicales rivales IDSA - ILADS, de même que les chasses aux sorcières, tout cela importé en Europe. Quant aux incohérences et aberrations sur notre territoire, ainsi que les tabous au plus haut niveau (quid des voies de transmission…?), ils subissent un démontage en règle, porté par des chiffres éloquents et des faits révélateurs. Les descriptions des pratiques inquisitoriales contre les médecins et leurs patients achèveront de « vacciner » le lecteur. ^[2] « Spécialistes », Conseils locaux de l’Ordre, structures de Sécurité sociale et ARS, responsables ministériels actuels et précédents, laboratoires, sont questionnés sur leur responsabilité face au désordre de l’information, au néant de la prévention et à la réalité de la souffrance des malades.

« Je ne comprend pas que l’on doive se justifier et s’excuser de souffrir », Yannick, enfant malade.

Sérieuse, précise, sans énoncés verbeux, l’enquête révèle ce qu’associations de malades et de médecins supputaient ou dénonçaient ici et là au fil d’affaires pas claires : depuis l’étonnante interdiction du tictox de B. Christophe et la fermeture du laboratoire Schaller jusqu’aux ahurissantes condamnations de médecins par le conseil de l’ordre, en passant par les pratiques comptables de la CPAM et celles des autorités de santé couvrant sans honte des tests sérologiques déficients.
A défaut de pouvoir percer tous les mystères - car qui peut sonder les cœurs de certains acteurs fuyants ou peu coopérants^[3] -, tout est étalé et tout est interrogé. Derrière chaque question soulevée s’en cachent aussi de nouvelles. L’affaire est loin d’être close mais l’alerte est donnée. Avec L’affaire de la Maladie de Lyme, la population sait désormais dans quel champ de mines elle marche, et le malade dans quel chemin il roule son fauteuil.

Le premier bilan en est clair: les autorités frileuses, sont responsables et coupables. Elles devront rendre des comptes. Après la jungle des bactéries de Lyme, et leur « bande organisée », il faut lutter contre les lobbying et les puissances de l’argent qui verrouillent ce scandale sanitaire.
Chantal Perrin et Roger Lenglet ont mis en orbite un pavé qui va vite se transformer en bombe, c’est bien ce qu’on lui souhaite.

"L’affaire de la maladie de Lyme", Actes Sud, 2016