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RÉSEAU sur la Borréliose de Lyme en France, ses Co-Infections et les Maladies vectorielles à Tiques Construction collaborative d'une information critique contre le déni

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Borrelia : la re-naissance d'une bactérie - PARTIE II

La re-naissance d’une bactérie (ou : "Comment la borréliose est devenue étrangement la « maladie de Lyme »..."

Dans une première partie, cette « saga » a retracé l’itinéraire scientifique de la « Borrelia » dans les pays européens à partir de la fin du XIXe siècle. Cette deuxième partie fait traverser l’Atlantique aux lecteurs et le conduit aux rivages d’un passionnant polar !(cf. article précédent)

Borrelia illustration (Wikipedia))

Partie II, Résumé : La détermination et les « enquêtes » de Polly Muray, jeune femme atteinte de cette mystérieuse « arthrite de Lyme », pathologie ni reconnue, ni traitée dans son cas, oblige les scientifiques de Yale à se poser les vraies questions. Pendant que déjà certains médecins soignent leurs patients par antibiotiques, sur la base des anciennes études européennes ou par pur hasard, la corrélation entre tiques - EM et maladie de Lyme sera bientôt établie par le Dr Burgdorfer. Maladie tenue pour spécifiquement américaine par un certain Dr Steere, celui là même que harcelait de ses coups de fils et de ses questions, l’enquêtrice Polly Muray.
Abstract : Thanks to the " enquêtes" of Polly Muray, a patient rejected by medicine but pugnacious, the mysterious arthritis of which she suffers, treated by chance and with results among patients by antibiothérapie, will see, at the end of several years, the correlation between ticks, E.M. and disease of Lyme confirmed. During this time, Dr. Steere says that this pathology is specific American, and rejects research of Dr. Burgdorfer who reveals the faulty spirochete, already known in Europe…
Zusammenfassung : Die Entschlossenheit und die "Untersuchungen" von Polly Muray, junge Frau unter dieser geheimnisvollen "Lyme-Arthritis" leident, Pathologie weder erkannt noch behandelt in ihrem Fall, erfordert Yale Wissenschaftler, die wirklichen Fragen zu stellen. Während bereits einige Ärzte ihre Patienten mit Antibiotika, auf der Grundlage der alten europäischen Studien oder durch Zufall behandeln, wird die Korrelation zwischen Zeckenstich-EM und Lyme-Borreliose bald von Dr. Burgdorfer gegründet. Eine Krankheit als ganz speziell „amerikanisch“ bezeichnet durch einen bestimmter Dr. Steere, der selbe der Polly Muray mit ihren Tefefon Anrufe und Fragen schikanierte.

Partie 2 : Le «nouveau» continent : l’Amérique...

Les enquêtes de Mrs. Polly Muray Borrelia illustration (Wikipedia)

Aux USA, l’on ne parle pas encore de cette pathologie. Ce n’est qu’en 1956 que sera relaté pour la première fois dans un manuel pour études scientifiques, une rougeur migrante. C’est l’année où une jeune artiste est en train de peindre le portrait d’une petite fille et se rend compte qu’elle a des douleurs aux articulations, souffre de céphalées et présente une sorte d’eczéma. Elle met cela sur le compte de sa grossesse et les symptômes disparaissent quelques temps après. C’est seulement en 1965 que tous ses symptômes réapparaissent avec plus d’ampleur, accompagnés de problèmes cognitifs, de fatigue, etc. Et à la fin des années soixante, ses enfants développent les mêmes symptômes... Tournée générale chez de nombreux médecins pour toute la famille. Et la mère se retrouve en psychiatrie.

Erythema migrans (Wikipedia)En 1970, pour la première fois aux Etats-Unis, Rudoph Scrimenti, dermatologue, décrit officiellement un EM en se basant sur les études du norvégien Hellerström, à partir du cas d’un chasseur de 57 ans du Wisconsin en relatant aussi les problèmes neurologiques et articulaires de ce patient; il les apparente à ses nombreuses piqûres de tiques.
Il publie une étude sur sa suspicion de la présence d’un agent causal type bactérien du genre rickettsia[1] ou d’un spirochète et indique également les thérapies réussies par pénicilline. (Source : Arc. Derm. 1970 102 :104-5). Malheureusement, Scrimenti et Hellerström furent soumis tous deux aux ricanements narquois de leurs collègues scientifiques.

Le 16 octobre 1973, notre artiste peintre (sortie de psychiatrie) prend son combiné et compose le numéro du Department of Health du Connecticut. Elle se présente : Polly Muray. Elle vit depuis 1959 à Lyme dans le même Connecticut et dénonce tous les cas ayant les mêmes symptômes qu’elle et ses enfants dans cette ville. Car depuis 1971, elle s’était intéressée à des cas similaires (14 cas); et en particulier les cas d’enfants de moins de 16 ans, présentant des diagnostics d’arthrite juvénile (pathologie considérée comme rare), identiques aux diagnostics de ses propres enfants. Son médecin traitant lui reprocha ce coup de fil et lui conseilla d’aller consulter un rhumatologue.
Au Department of Health, bien sûr, ses coups de fils furent plus d’une fois interprétés comme trop dérangeants et trop insistants, avec le constat : «L’arthrite n’est pas contagieuse et non soumise à déclaration obligatoire». Circulez !
Cependant elle continue de consacrer son temps à alimenter et parfaire sa liste de cas identiques par l’intermédiaire d’une campagne téléphonique.

Un soir, elle reçoit un appel d’une psychiatre présentant les mêmes symptômes qu’elle et classée dans la case "dépression"... Elle se nomme Judith Mensch. Sa fille ainsi qu’une voisine présente également la même symptomatologie.
Et notre amie Polly continue de téléphoner à différents médecins de Yale, ceux là même ayant diagnostiqué et traité la pathologie de ses enfants.
Un jour de 1975 pourtant, son appel à l’hôpital de Yale est pris par un jeune médecin qui lui demande de se présenter en novembre en consultation de rhumatologie.

La mystérieuse arthrite de Lyme Borrelia illustration (Wikipedia)

A la même époque, en 1975, l’épidémiologiste David Snydman, rentre de congés et trouve une note sur son bureau du Connecticut Department of Health, lui demandant de rappeler Mmes Muray et Mensch. Ce qu’il fit. Dès lors, il se mit en relation avec des collègues traitant de ces types de cas et se rendit vite compte qu’il y avait pléthore. Il fit alors une étude en répertoriant tous ces cas connus.
Lorsque le Dr Steere reçoit un appel téléphonique de l’épidémiologiste David Snydman, il est en train de travailler sur un projet de recherche sur les globules blancs (étude considérée dénuée de sens par l’Epidemic Intelligence Service). Il est donc compréhensible qu’à partir de cet appel, il jeta son dévolu avec ardeur sur cette mystérieuse « arthrite de Lyme »

Le 18 novembre 1975, Polly Muray avait en poche les cas de 35 personnes dont elle avait obtenu l’autorisation de divulguer autant les symptômes précis que le parcours médical. Et se présenta donc à son RDV à l’Université de Yale. Un médecin, début trentaine l’accueille en souriant : Dr Allen Caruthers Steere[2].
Polly Muray est entendue plus de 3 heures par le Dr Steere. Lorsqu’elle quitte son cabinet, il lui recommande de persuader toutes ses connaissances atteintes de la pathologie de bien vouloir venir en consultation à Yale afin qu’il puisse établir une cartographie, rue par rue, de cette maladie. C’est ainsi que débute le « Projet arthrite de Lyme »

Alentours de la ville de Lyme (ccc) WikipediaUne enquête fut donc ouverte sur le secteur de la ville de Lyme.....suivie d’études, etc, attestant que l’arthrite ne semblait point infectieuse, et sans qu’il ne fut fait corrélation avec l’EM. Apparemment, ces scientifiques n’avaient jamais lu les études européennes....ni mêmes celles américaines de Scrimenti, ni jeté un œil sur le bien fondé de la thérapie de pénicilline datant déjà de 1949 !
Durant l’été 1976, collecte et étude de parasites et insectes sont diligentées dans tout le comté. En janvier 1976, le Dr Steere annonce 39 cas, supposant une infection d’origine virale. La moitié des scientifiques de Yale est sur le pont à la recherche de l’agent causal.
Au mois d’août 1976, Polly Murray tente de convaincre le Dr Allen Steere que les symptômes digestifs, la fièvre et l’enrouement sont pareillement attribuables à cette fameuse « arthrite de Lyme ».

Au mois de mai de l’année suivante, soit en 1977 a lieu la première intervention des médias : CBS, puis la télévision et enfin le New York Times parlent d’ hystérie de masse.

Les étonnants résultats de l’antibiothérapie européenne confirmés Borrelia illustration (Wikipedia)

C’est également entre ces deux périodes, que le Docteur Steere rencontre un médecin militaire, le commandant William E.Mast du Medical Corps de l’US Naval Reserve qui lui assure avoir soigné depuis 1975 10 patients avec EM sur la base des études européennes (antibiotiques) avec succès. Le Dr Mast publiera en 1977 avec la collaboration du Dr Burrows une étude dans le Journal of the american Medical Association sur la réussite de traitements à base d’érythromycine. Polly Muray elle aussi, avait demandé au Dr Steere peu avant, s’il avait déjà été question de soigner ces patients par antibiotiques…sans réponse.

Pendant que Polly Murray et Judith Mensch en sont toujours à rassembler des preuves et que le Dr Mast continue de soigner ses patients avec des antibiotiques, un pédiatre de la petite ville de Hamden, toujours dans le Connecticut, constate lui aussi depuis 1970 cette mystérieuse pathologie : le Dr Charles Ray Jones. Sans connaître le nom de cette maladie, ni sa cause, ce médecin trouve par pur hasard la thérapie par antibiotiques. En effet, il avait soigné pour des infections à streptocoques quelques uns de ses jeunes patients atteints également de cette mystérieuse maladie.
Et avec ces antibiotiques, ce sont non seulement les streptocoques qui ont disparu, mais aussi cette nouvelle forme d’arthrite! Bien qu’il n’eut aucune explication sur ces résultats, pour lui ce fut clair et net, que l’arthrite était bien infectieuse. Il continua ses traitements, les réitérant dès lors que les symptômes réapparaissaient sous une forme chronique. Les enfants de Lyme restaient malades alors que parmi ceux de Hamden, très peu récidivèrent.

Ce sympathique pédiatre ne se doutait pas un seul instant à ce moment que son cabinet serait des décennies plus tard, l’épicentre d’une tempête qui se transformera en ouragan, proche de le détruire, avec une plainte en 2007 : l’état du Connecticut contre Dr Charles Ray Jones qui le placera dans les nombreuses victimes d’une nouvelle forme d’inquisition.

Corrélation tiques/érythème/maladie Borrelia illustration (Wikipedia)

En 1977 pourtant, il apparaît subitement et enfin aux chercheurs de Yale que l’arthrite et l’EM pourraient venir d’une seule et même cause. Et dans les Annals of International Medicine , est publié l’article définitif : Erythema Chronicum Migrans and lyme Arthritis : The enlarging spectrum. Erythème chronique migrant et arthrite de Lyme : mise en relation. (Source : ncbi US.)
ENFIN !! On reconnaissait non seulement l’existence des genoux enflés, des douleurs articulaires, mais aussi des symptômes neurologiques et autres associés à la pathologie. Les chercheurs de Yale sont persuadés d’avoir donné un nom de baptême à une nouvelle pathologie. Maintenant qu’ils en ont pris connaissance, la forme européenne est définie comme une toute autre pathologie.

C’est à ce moment également que l’EM est défini en tant que «marqueur principal» diagnostique. Et que le Dr Steere annonce publiquement que la « forme européenne » de l’Erythème Migrant n’a absolument aucun «lien de parenté» avec la pathologie qu’il vient de découvrir !
Cette même année, toujours le même Dr Steere, se souvient d’un microbiologiste réputé du Montana : Willy Burgdorfer[3] et le joint deux fois par téléphone durant l’été, cherchant des renseignements sur la capture des tiques.
Pourtant en 1978, l’Establishment médical se montre sceptique, car pour autant aucune recherche n’a encore pu trouver l’agent causal. Mais c’est à partir de cette date, où le New York Times consacre un article encenseur au Dr Steere qu’il est propulsé : «expert de la maladie de Lyme».

Dr Burgdorfer contre Mr Steere Borrelia illustration (Wikipedia)

En 1979, un second article est publié par Steere et ses confrères. (Steere et al) stipulant que cette pathologie définie par l’EM, peut également présenter des symptômes neurologiques, cardiaques et articulaires. La «Lyme arthritis» devient la «Lyme disease» : la maladie de Lyme.
Les patients de Yale, quant à eux, continuent d’être soignés avec de l’aspirine et de la cortisone.

Borrelia burgdorferi (Wikipedia)En 1981, apparut une recrudescence de la Rocky Mountain Fiever[4] et c’est là que le Dr Willy Burgdorfer s’attaqua à en trouver l’agent causal. Il étudia en premier lieu la tique du chien (plus de 1000), mais de R.rickettsii, point de traces. C’est alors qu’il jeta son dévolu sur les tiques de type Ixodes scapularis appelées communément tiques du cerf ou du daim. Idem, plus de 1000 bestioles disséquées, analysées, point de traces.
Pourtant deux tiques ont retenu son attention : dans l’inspection sous microscope de leurs organes, il y trouva des organismes bizarres filaires, sous formes de larves et sa curiosité fut décuplée et redoubla d’attention : sous ses yeux se mouvaient des micro-organismes ressemblant à des bactéries.
Contrairement à Steere et ses collègues, Burgdorfer est très au courant des études européennes et se souvient des thèses du dermatologue autrichien Lipschütz qui recommande de faire les recherches dans l’intestin et la glande salivaire des tiques. Burgdorfer est également au courant des études de Hellerström qui est persuadé que la bactérie est un spirochète et dont il avait suivi une conférence à Cincinatti 30 ans auparavant. Il continue donc sa recherche sur 125 autres tiques et trouva dans ¾ de celles-ci effectivement encore des spirochètes.

Il repense à cette conférence où était évoquée cette fameuse «rougeur» si semblablement décrite par le tout nouveau «Lyme Disease» et se demande si tout simplement la bactérie qu’il a sous les yeux ne serait pas responsable des deux pathologies : l’erythema migrans européen de Hellerström et la Lyme Disease ; puisque tous deux transmis par les tiques.
Entre 1980 et 81, Steere commence enfin à «essayer» l’antibiothérapie pour le traitement de ses patients.
En 1982, le neurologue allemand Rudy Ackermann identifia dans les «tiques des moutons» dans la région de Cologne, 19 spécificités différentes de spirochètes. Deux de ces souches différentes furent nommées Borrelia afzelii et Borrelia garinii. Depuis bien d’autres se sont ajoutées à la longue liste.
Pendant que Willy Burdorfer travaille sans relâche sur les infections transmises par spirochètes, consulte de nombreux écrits scientifiques et publie en 1982 dans Science 216 : 1317-1319 A tick borne spirochetis?, (un spirochète transmis par les tiques?) ne compte pas ses heures de travail, le Dr Steere s’occupe de sa «découverte» et qualifie publiquement les parutions de W. Burgdorfer d’insignifiantes.

En 1983 : Willy Burgdorfer identifiera dans des tiques suisses les mêmes spirochètes que dans les tiques du cerf aux USA .
Pour Burgdorfer, l’équation est résolue. La fameuse «maladie de Lyme » de son confrère Steere a déjà été décrite 100 ans auparavant en Europe. Steere, tout comme Scrimenti n’ont pas fait de découverte, mais une «re-découverte»...

Les enjeux à venir Borrelia illustration (Wikipedia)

Quelle ampleur va prendre la déception chez Monsieur Steere et les chercheurs de Yale ?
Celle qui amènera et définira les tenants et aboutissants de la guerre entre IDSA et ILADS.
Mais avant tout pour le Dr. Willy Burgdorfer il convient maintenant de vérifier sa thèse et de l’étayer par un panel de preuves et de « postulats ».
Ce que vous lirez dans une troisième partie !
Borrelia illustration (Wikipedia))

Nota : la majeure partie des renseignements de cet article provient du livre de Birgit Jürschik-Busbach : Die verschwiegene Epidemie avec son aimable accord ainsi que des archives de l’association allemande des malades : la DBB[5].

Notes

[1] Extrait du Dictionnaire pharmaceutique : Les rickettsies rickettsia sont des bactéries parasites intracellulaires stricts, sensibles aux antibiotiques.

[2] Le Dr Allen Steere : Nous reviendrons sur le parcours professionnel de ce médecin dans une troisième partie.

[3] )Le Dr Willy Burgdorfer : Le microbiologiste helvétique Willy Burgdorfer est employé au RML (Rocky Mountain Laboratory), laboratoire expert dans l’étude des tiques, situé à Hamilton, au Montana.. Dans le cadre de ses études, il y avait fait un séjour à partir de 1951 (programmé pour 5 ans) qui se prolongea et devint définitif, car il y avait fait la rencontre de sa femme et fonda son foyer dans cette région. Il y étudie la fièvre du Colorado, la tularémie entre autres infections bactériennes et virales.

[4] La fièvre pourprée des montagnes Rocheuses est la rickettsiose la plus grave et la plus fréquente des Etats-Unis, et elle a été diagnostiquée partout dans le continent américain.  : "Les rickettsioses sont pour la plupart géographiquement localisées et surviennent par cas isolés./. maladies d’évolution souvent grave ./. " voire mortelle. Typhus, fièvres boutonneuses (dont la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses), fièvre des tranchées, fièvre Q. Cf. Dictionnaire médical Larousse en ligne.

[5] ou bfbd.de : BORRELIOSE und FSME BUND DEUTSCHLAND e.V. (BFBD) Patientenorganisation Bundesverband

ELS (rédacteur invité)

Rédacteur: ELS (rédacteur invité)

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