Au cours de cette interview, le professeur Perronne répond aux questions de la journaliste Claire Hédon sur les manifestations diverses et variées de la maladie, l’évaluation difficile et sous-estimée du nombre de malades, les difficultés rencontrées par les médecins face au diagnostic, du fait, notamment, de l’absence de tests biologiques fiables.
Outre les difficultés inhérentes à la maladie elle-même, il évoque les obstacles qui obstruent, depuis des années, le chemin d’un quelconque progrès de la recherche médicale et emprisonnent les malades dans le déni médical et social mortifère de leur maladie.

A la remarque de Claire Hédon "Et ce n’est pas une maladie si rare que ça..." il répond: "Pas du tout"...


BEAUCOUP PLUS DE MALADES QU’ON NE CROIT: mise en cause de la fiabilité du test officiel actuel

1- Constatation du manque cruel d’un test diagnostique fiable.

Pr Perronne:
«Alors tout le problème c’est: comme les tests diagnostiques aujourd’hui ne sont pas très bons, on peut le dire, hein, c’est la sérologie qui est l’unique méthode diagnostique en routine. Probablement on passe au moins à côté de la moitié des cas, je pense qu’il y en a beaucoup plus qu’on ne croit. Le problème c’est qu’il y a 25 ans, on a cru que c’était une maladie rare, donc ils ont étalonné leurs tests pour ne pas faire trop de diagnostics, parce qu’on n’avait pas de quoi se comparer. Les symptômes cliniques ne sont pas très spécifiques.»


Claire Hédon:
"C’est -à-dire concrètement, on fait une analyse de sang et là on doit trouver quelque chose qui nous fait dire que c’est la maladie de Lyme"

Pr Perronne:
"C’est -à-dire des anticorps contre la fameuse Borrélia Burgdoferi. Le problème c’est que le test qui a été mis au point il y a 25 ans aux Etats-Unis, contre une espèce particulière dans le Massachussets, c’est que maintenant on décrit des vingtaines d’espèces différentes dans le monde …»

Le test actuel est trop ancien. Il a été conçu pour détecter les anticorps des Borrelias américaines seulement et est inapte à déceler les Borrelias européennes qui sont différentes et variées.


Pr Perronne:
«Donc comme ils ne savaient pas où étalonner leurs tests, ils l’ont étalonné à 5% de la population, mais c’est complètement artificiel! Et probablement qu’il y beaucoup plus que 5% de la population...»
«ils ont élevé énormément le seuil du test, (cela) fait que beaucoup de gens ne sont pas diagnostiqués»
«malheureusement, ça a été étiqueté maladie rare et on est enfermé dans ce cadre actuellement»


Les seuils de positivité sont trop élevés.Beaucoup de malades ne peuvent être diagnostiqués. La population considérée comme contaminée est réduite à 5%. Cela permet de classer la Maladie de Lyme comme maladie rare.

Comment peut-on qualifier la décision absurde de perpétuer l’usage d’un test diagnostique erroné qui conduit à fausser délibérément les résultats pour minimiser l’ampleur de la maladie dans la population, de la part d’autorités sanitaires et politiques co-responsables de la santé de ces mêmes populations?

Vient s’ajouter à cela le défaut d’écoute des médecins vis à vis des malades et la tentation de les prendre pour des simulateurs ou des malades mentaux.
Pr Perronne:
’’ "... beaucoup de gens ne sont pas diagnostiqués. Et quand un médecin a devant lui quelqu’un qui n’a pas l’air malade, (parce que quelqu’un qui a la maladie de Lyme n’a pas l’air malade, il a bonne mine, simplement il dit ma vie est un enfer, je suis fatigué, j’ai mal partout, je ne peux plus me concentrer, j’ai des troubles de mémoire...), il lui dit: «Oui bon, écoutez, vous êtes bien gentil, mais vous avez un problème avec votre conjoint, c’est le boulot qui est stressant, vous êtes déprimé.»’’ "… et tous ces malades, quasiment 100%, après avoir vu quatre ou cinq médecins se retrouvent automatiquement chez le psychiatre, et ça c’est dramatique alors."

Pr Perronne:
«Parce que le défaut des médecins actuellement: ils ne soignent plus qu’avec des sérologies, des scanners, et si tous les examens sont normaux, ils n’écoutent pas le malade. »

2-Constatation que les traitements officiels nationaux et internationaux sont inadaptés

Pr Perronne:
«Mais dans quelques cas, les personnes, dès l’arrêt du traitement, soit plus tard, soit quelques mois après, rechutent et ça ce n’est pas reconnu, je dirais, par la médecine officielle actuelle; alors que, dans les publications scientifiques mondiales, que ce soit chez le chien, chez le singe, chez la souris et même chez l’homme, on sait que des personnes peuvent rester porteuses de la bactérie, après des tonnes d’antibiotiques pendant un mois... Ce n’est pas reconnu officiellement. Et le drame, c’est qu’aux Etats-Unis, des Compagnies d’Assurance ont fait des procès aux médecins qui soignaient des Lyme chroniques et ça commence en Angleterre actuellement, parce qu’il y a des problèmes financiers derrière et ce n’est pas reconnu.»

Que pèsent la santé des patients et la conscience des médecins face aux intérêts financiers des Compagnies d’Assurances?

3-Constatation que l’interdiction de traitements prolongés par les antibiotiques est aberrante scientifiquement et médicalement

Pr Perronne:
’’ «Quelquefois chez les malades les plus sévères, les traitements doivent être prolongés. Avec la tuberculose, on les traite pendant six mois un an. Il y a des maladies infectieuses très reconnues, comme ce qu’on appelle la fièvre Q, qui est transmise quelquefois par les tiques ou plus par voie aérienne, à la campagne, qui se traite pendant quelquefois un an un an et demi, voire, autrefois, plusieurs années avec les antibiotiques. Là dans la Maladie de Lyme, on n’a pas le droit, c’est interdit.»

4-Constatation que cette aberration est justifiée par la rentabilité économique


Pr Perronne:
«Aux Etats-Unis, il y a eu d’ailleurs des Cie d’assurances qui ont fait des procès aux médecins. Alors les médecins ont gagné leur procès, mais ils ont été mis un peu sous surveillance. Les juges, les experts, qui sont venus analyser les dossiers, ont bien vu que les malades s’étaient améliorés, mais là, en Angleterre où ils ont des problèmes financiers, le système de santé britannique est en train de faire des procès aux médecins anglais qui suivent des maladies de Lyme chroniques.»

5-Constatation d’un blocage organisé de la recherche dans les traitements


Pr Perronne:
«Dans le domaine des traitements, pour l’instant, on ne peut faire aucune recherche. Moi j’ai déposé des projets de recherche ils sont tous refusés.»
Pr Perronne:
Le problème, c’est que les recherches sont très difficiles. Moi je fais de la recherche dans beaucoup de domaines... Quand je fais des demandes de recherches, sur l’hépatite virale, le virus VIH ,ou sur n’importe quoi, j’arrive en général à finir par avoir des financements et à avancer. Si je demande une recherche sur le Lyme, c’est refusé systématiquement disant: «C’est n’importe quoi!». Ce n’est pas pris au sérieux. On m’enverrait presque en psychiatrie disant: «Tiens pourquoi il s’intéresse au Lyme?». Et malheureusement, c’est la situation dans beaucoup de pays!
Pr Perronne:
«Mais on est dans cette ambiance où il ne faut pas donner d’antibiotiques... Donc, du coup, dès qu’on essaye de faire avancer le traitement de la maladie de Lyme en disant: «Il faut faire des traitements antibiotiques peut-être un peu plus prolongés chez certains malades, les critiques, des experts... je les résume en disant: «C’est n’importe quoi: donner des antibiotiques pour des gens qui ont mal aux genoux ou des fatigués psychiatriques!...» C’est vraiment ça qui est écrit par les experts en toutes lettres dans les… Quand on veut faire avancer une recherche pour demander des financements, on est expertisé par des experts extérieurs. C’est pour l’instant une maladie qui n’est pas reconnue, qui est mal vue et en plus il y a le problème des antibiotiques... donc je n’arrive pas à m’en sortir avec ça...»

Qui sont les experts qui examinent les dossiers de demande de recherche? Apportent-ils la preuve qu’ils sont exempts de conflits d’intérêts? Quelle est leur qualification sur cette maladie? Qui les nomme? De quelles autorités politiques et sanitaires procèdent leurs pouvoirs? Quels sont, au plus haut niveau, les responsables politiques de ce blocage ?

6- Constatation que des substances issues de plantes peuvent être efficaces pour soulager les malades

Pr Perronne:
«Moi je n’ai aucune compétence dans la matière, surtout qu’il n’y a aucune recherche. Ce qui m’a interpellé quand même, c’est que j’ai des malades qui ne sont pas du tout fous et que j’ai vu vraiment faire une aggravation initiale des symptômes, comme avec les antibiotiques et puis une amélioration très nette après, avec des produits à base de plantes. Alors je me dis qu’après tout on sait qu’il y a pas mal d’anti-infectieux qui viennent du sol, des plantes. Il y a certainement certaines plantes qui ont des propriétés anti-infectieuses... Moi, l’expérience des malades m’a assez convaincu qu’il se passait quelque chose».

Au XXI e siècle, une recherche scientifique sérieuse sur les propriétés thérapeutiques des plantes serait-elle aussi difficile à envisager, qu’au XVe siècle l’idée que c’est la Terre qui tourne autour du soleil et non l’inverse?

7-Constatation qu’aucune information ni prévention officielles ne sont organisées par les Pouvoirs Publics à tous les niveaux de responsabilité

Claire Hédon:
"Je voudrais qu’on parle maintenant de la prévention. Est-ce qu’on peut prévenir la maladie?

Pr Perronne:

’’Pour l’instant, effectivement, si les gens étaient moins piqués par les tiques il y aurait beaucoup moins de maladie... ...Je crois qu’en France, on est un petit peu en retard... Mettre des pancartes à l’entrée des grandes forêts contaminées, en disant aux randonneurs, aux gens qui font du VTT, aux chasseurs, attention!’’

L’absence de prévention de la population est un crime!

Cette interview du professeur Christian Perronne sur RFI le 14 mai 2010 est encore aujourd’hui d’une plus grande actualité.