Certains diront que rechercher les Borrelia, ce n’est pas très important vu qu’il est probable qu’une grande partie de la population les abrite déjà... infectés ignorants ou porteurs sains. En effet pas de paranoïa; d’une part le corps humain est un réservoir à bactéries, mauvaises ou pas, d’autre part tout le monde ne développe pas la maladie, le terrain génétique, ou les défenses immunitaires, préservant les individus. Mais jusqu’à quand ? Sera-t-elle immuable cette barrière contre les minuscules bactéries de Borrelia, sous la forme spirochète comme kystique; petites bombes à retardement dont personne n’entend le léger tictac ?

D’autres ajouteront qu’elle n’est pas dangereuse puisqu’il n’y a pas tant que ça de cas recensés, mais à vrai dire, quid aussi du recensement ? Sur Orphanet, le portail des maladies rares, la borréliose est évidemment considérée comme maladie... "rare". Ce n’est pas du tout l’avis de nos voisins germaniques; serait-ce le syndrome gaulois dit "du nuage de Tchernobyl" ? En France quel document dénonce l’épidémie ?... Ce qui n’est pas prononcé n’existe pas, vieille méthode (coué) pour conjurer le sort.
On sait que l’INVS appelle en vain à des recherches élargies à l’ensemble du territoire, on sait que les rapports de zoonose réclamés par la CEE à la France ne sont pas réalisés, parce que, tout bonnement, il n’y a pas de volonté politique pour mettre en œuvre les actions préventives, même les plus simples, pas de volonté pour diligenter les enquêtes (cf. l’article Mais où sont les rapports français sur les zoonoses?).
N’est-ce pas étrange, et inquiétant, de laisser se développer cette bactérie un petit peu partout et contaminer un peu plus tout le monde, dans le silence le plus total ?

Enfin, les plus obtus des détracteurs argueront que cette maladie bactérienne transmissible par le sang n’est pas aussi mortelle que le SIDA.
Est-ce pour cette raison qu’il ne faut rien faire ? Et quand bien même ne serait-elle pas mortelle - ce qui reste à démontrer en bien des cas -, le fait qu’elle soit douloureuse et invalidante spécialement dans sa phase chronique ne suffit-il pas à prendre des précautions ?

Groupes à risque... ?: une Santé Publique à géométrie variable

Toutes ces questions ont ressurgi lorsque la nouvelle de la levée de l’interdiction du don de sang aux homosexuels britanniques [1] est tombée au début du mois de novembre, suscitant en France réflexions de tous bords.
Dans les années 80 avec le début de l’épidémie de SIDA, les pays occidentaux avaient interdit le don du sang à cette population à risque. Depuis elle est toujours considérée comme à risque en France (fichage des homosexuels déclarés; interdiction des dons de sang; vérification systématique des poches) , nonobstant les pratiques sécurisées d’une bonne partie d’entre elle et le fait qu’aujourd’hui, malheureusement, bien d’autres groupes sont à risque, entre autres, les personnes à multipartenaires ou les jeunes peu enclins à se protéger. Ceux-ci peuvent passer les fourches caudines du filtrage des dons de sang malgré le questionnaire à remplir.

Si des mesures de santé drastiques sont prises envers tous les membres de la communauté homosexuelle, vus comme porteurs potentiels du VIH, pourquoi n’existe-t-il pas de mesures spéciales pour les porteurs potentiels de Borrelia ? Qu’est-ce donc que la Santé Publique ? Une Santé Publique à géométrie variable ? Si les mesures de Santé Publique sont des précautions particulières et strictes prises pour préserver l’ensemble de la population d’une contamination, pour qui en France ces mesures sont-elles prises ? Pas pour les borréliens, qui doivent, inversion des rôles, demander à être soignés, ni pour ceux qui pourraient avoir été atteints, puisqu’il n’y a pas de problème... Et ne parlons pas de tous les autres qui incubent en silence.

Risque de Borrelia : le plus IN-sécuritaire possible ?

C’est en considérant que le pourcentage de la population à risque homosexuelle se trouvait en dessous du seuil de risque de l’ensemble des primo-donneurs (donneurs qui se présentent pour la première fois pour un prélèvement), que les Anglais ont fait sauter ce verrou du rejet systématique des homos, après les Espagnols, les Portugais, les Italiens, et plus loin sur la carte, les Australiens. En revanche la France reste sur sa position, confirmée à maintes reprises et renouvelée en 2009.
Selon D. Costagliola, directrice de recherche à l’INSERM, spécialiste du SIDA, il s’agit de savoir si l’on souhaite changer "la philosophie" "du plus sécuritaire possible" même si on sait que "le risque est tout petit" [2]. Ainsi, concernant la transmission du VIH, il y aurait au sein des autorités de Santé en France, "une philosophie" du "plus sécuritaire possible".
On s’étonne tout d’abord que cette philosophie ne vise qu’un groupe de donneurs de sang... Le groupe le plus "à risque" ? Aussi bien l’Association LGBT, que les autorités anglaises, que l’INVS, nous démontrent que c’est inexact. [3]
On s’étonne ensuite que cette philosophie sécuritaire ne s’applique pas à la Borrelia. Bien sûr le SIDA est un fléau et le risque même "tout petit" fait peur, mais que penser alors quand le risque est bien présent mais totalement inconnu ? Le déni médical de borréliose chronique porte atteinte de maniére invraisemblable au "plus sécuritaire possible" brandi par la directrice de l"inserm.

Sachant que le dépistage n’est pas effectué, qu’il n’existe toujours pas de tests 100% fiables, que la France ne remet pas de rapport sur l’épidémie, que les cas de borrélioses chroniques sont tus ou masqués par d’autres pathologies et faux diagnostics, les borréliens attendent des réponses claires à ces questions :

  • Quel est le risque de transmission des Borrelia par les dons de sang ?
  • Y-a-t-il "un risque épidémiologique" ?
  • Est-il "tout petit" comme il est dit pour le VIH ?
  • Si tel est le cas où sont les chiffres ?
  • Quel est le risque qu’à partir d’un don de sang un "porteur sain" développe une borréliose ?
  • Quel est le risque que cette borréliose ne dégénère et ne devienne handicapante ?
  • Quel est le degré de santé publique que l’on souhaite appliquer pour les borrélioses ?
  • Pourquoi le tout sécuritaire s’appliquerait-il seulement à ce groupe stigmatisé des homosexuels en France ?
  • Pour quelles raisons, médicales, politiques, financières, le plus IN-sécuritaire possible s’applique-t-il aux borréliens ?.

Notes

[1] Les dons de sang sont désormais autorisés aux homosexuels britanniques sous réserve de leur déclaration d’abstinence sexuelle dans l’année précédent le don(!), ce qui est un autre problème et un élément de discrimination révoltant comme le soulignent les associations.

[2] L’incidence de l’infection à VIH à l’heure actuelle chez les homosexuels, c’est 1% par an. C’est au moins 50 fois plus que dans n’importe quel autre groupe dans la population. Comprendre les enjeux de ne pas donner si on est à risque. Ça changerait la philosophie qui était "le plus sécuritaire possible". Le risque est tout petit. Est-ce qu’on est prêt à le faire ré-augmenter ? D. Costagliola, Directrice de l’INSERM, France Culture, 7/11/11, journal de 8h

[3] Christine Le Douaré, Association LGBT, Lesbiennes Gay Bi Trans, pose bien le problème : On considère que c’est une population qui globalement prend des risques donc on ne va pas plus loin. Mais, ajoute-t-elle à propos de l’interdiction discriminante des dons de sang aux homosexuels : (le risque) ...n’est pas du tout une question d’orientation sexuelle mais de pratique sexuelle. France Culture, 7/11/11, journal de 8h.