l’EIS : de l’épidémiologie comme nerf de la guerre aux USA

L’EIS, Epidemic Intelligence Service , a vu le jour en 1950 lors du début de la guerre de Corée. À cette époque, le but de l’EIS n’est pas la recherche d’agents pathogènes, mais bel et bien de conduite d’une guerre biologique. Les armes biologiques ne furent interdites qu’en 1970. Les premiers officiers de ce service furent formés en 1951. Avec deux années de préparation (d’entraînement) dans ce service, ils possèdent les clefs pour se positionner auprès des instances de santé, de l’industrie, des médias, du WHO (World Health Organization, OMS, Organisation mondiale de la Santé) et des universités.
Au RKI (Robert Koch Institut) en Allemagne, le dirigeant du service "maladies infectieuses", le Dr Gérard Krause, travaillait en tant qu’officier épidémiologiste à l’EIS d’Atlanta. En 1975, le premier « étudiant EIS» non américain a été admis au programme. En 2001, ils étaient au nombre de 62 ressortissants de l’Union Européenne dont 15 de nationalité française. Aujourd’hui, ils exercent leurs fonctions dans des agences nationales chargées du contrôle des maladies transmissibles. [1]

Europe : Santé publique et indépendance

En juin 1984, une équipe conduite par le Dr Louis Massé, professeur de l’École nationale de Santé publique (ENSP) s’est rendue à Atlanta au CDC (Center of Disease Control, « Centre de Surveillance des maladies ») dans le but de créer en France un cours d’épidémiologie appliquée et de biostatistiques, comparable au cours introductif développé pour les «EIS Officers" des États-Unis. Grâce au soutien inconditionnel du Dr Charles Mérieux, le 1er cours de l’IDEA (Institut pour le développement de l’épidémiologie appliquée) s’est tenu à l’automne 1984.[2]
Nombreux sont les actuels responsables de santé publique francophone, en France ou à l’étranger, qui en ont bénéficié ou qui y sont impliqués. On peut citer les personnes à l’origine de la création du RNSP (« Réseau national de Santé publique ») ainsi que des personnes ayant actuellement des positions de premier plan à l’InVS (« Institut national de Veille Sanitaire »), dans les cellules inter-régionales d’épidémiologie (CIRE), à l’institut de Santé publique d’Épidémiologie (ISPED), à l’European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC) ou à l’organisation mondiale de la santé (OMS).
En 1988, une « formation approfondie interprofessionnelle en épidémiologie et statistiques de terrain approfondie» fut mise en place (FIESTA). De la 1ère promotion de 1991 jusqu’à celle de 1999, année de transition vers ESPAD (The European School Project on Alcohol and other Drugs, « Projet d’École européenne sur l’alcool et autres drogues"), 38 stagiaires ont suivi tout ou partie de la formation FIESTA.
En 1995, les 15 pays membres de la Communauté européenne, plus la Norvège, se sont lancés dans une entreprise commune et ont initié le « Programme européen de formation à l’épidémiologie d’intervention » (European Programme for Intervention Epidemiology Training : EPIET).
Vingt ans après le premier cours EPIET, en 2004, le programme PROFET ("Programme de formation à l’épidémiologie de terrain")[3] s’est positionné pour la France et son système de Santé public (InVS, Cire…), comme l’équivalent des programmes EIS des CDC américains et EPIET de l’ECDC (European Center of Disease Control), sur la formation initiale IDEA.

Pour EPIET en Europe comme l’EIS aux États-Unis, c’est toujours une "mafia" de scientifiques qui comme Steere et al. occuperont les meilleures places dans les instances médicales, les pôles scientifiques, poursuivront leur lobbying auprès des politiques et dans les gouvernements.
Un pouvoir tentaculaire et renouvelable. Un cercle infernal.[4]

Notes

[1] Eurosurveillance bulletin n°3 de mars 2001.

[2] Formation de l’INVS, partenariat EHESP (Ecole des hautes études en santé publique), S/ce de santé des armées, l’Association Epiter (Association des anciens des cours IDEA), Rapport de cours IDEA

[3] cf. PROFET, site InVS

[4] ndlr: Avec tout ce déploiement d’organes de surveillance épidémiologique, on se demande comment la Borrelia’’ est arrivé à échapper...